Comment les transferts en espèces aident les filles à poursuivre leur éducation au Kenya

En réponse à la COVID-19, le gouvernement du Kenya, à l’instar d’autres gouvernements dans le monde, a mis en place des mesures de confinement des entreprises et des écoles et a instauré des couvre-feux pour aider à réduire la transmission. Malgré ces mesures, en quelques semaines seulement, le nombre de cas de COVID-19 confirmés au Kenya a presque doublé, portant le total à plus de 6 000 au moment de la rédaction du présent rapport.

Des endroits comme le comté de Turkana seront particulièrement touchés par les effets de la COVID-19 et des confinements qui en découlent. Le comté est l’un des plus pauvres du Kenya, avec les résultats scolaires les plus faibles. Parmi sa population de plus de 900 000 personnes, le comté accueille également 190 000 personnes réfugiées, dont 148 000 vivent dans le camp de personnes réfugiées de Kakuma et 36 000 autres dans l’établissement voisin de Kalobeyei.

Les autorités du comté de Turkana se sont préparées à une éclosion, bien avant l’apparition de son premier cas (et jusqu’à présent le seul enregistré), reconnaissant les conséquences dévastatrices et le double désavantage pour les personnes réfugiées si une épidémie devait se produire en raison de la surpopulation, du manque d’installations sanitaires et des ressources limitées pour y répondre. En outre, les personnes réfugiées ont été touchées de manière disproportionnée par la crise. Dépendants généralement des salaires journaliers ou du travail dans le secteur informel, ces personnes sont maintenant confrontées à des pertes d’emploi généralisées.

Lorsque les pressions économiques augmentent et que l’éducation est interrompue pendant de longues périodes, les filles risquent davantage de ne pas retourner à l’école, en partie à cause de l’augmentation de la violence sexuelle et sexiste, y compris le mariage précoce et forcé. Pour réduire la pression économique sur les familles et encourager les filles et les jeunes femmes à poursuivre leurs études depuis leur foyer, nous étendons notre programme de transfert d’argent au Kenya. Cela s’ajoute au travail que nous faisons pour tirer parti de notre programmation radio afin de partager des informations sur l’importance de l’éducation des filles dans le contexte de la COVID-19.

Pourquoi les transferts en espèces ?

Les transferts en espèces sont des paiements directs effectués aux personnes dans le besoin et constituent une approche largement utilisée dans les secteurs de l’aide et du développement. Comme pour toute intervention de développement, les transferts en espèces peuvent avoir des conséquences imprévues qu’il convient de surveiller et d’atténuer avec soin. Par exemple, tout afflux d’argent liquide dans le ménage peut perturber les relations de pouvoir au sein du ménage et augmenter les risques de violence sexuelle et sexiste. Cependant, ils se sont globalement avérés efficaces et peuvent être 25 à 30 % plus efficaces que l’aide alimentaire, car ils donnent aux gens la possibilité de dépenser leurs ressources pour ce dont ils ont le plus besoin.

Les transferts en espèces conditionnels sont également une approche couramment utilisée. Ils reposent sur l’hypothèse que la personne ou la famille qui les reçoit remplisse une condition, généralement liée à l’éducation ou à la santé, telle que l’inscription à l’école ou la vaccination des enfants. L’objectif principal de ces types de transferts est de réduire la pauvreté, en fournissant aux personnes un revenu supplémentaire, tout en encourageant des comportements positifs pour des résultats à plus long terme. Les transferts en espèces permettent de constituer un capital humain et sont considérés comme utiles pour rompre le cycle de la pauvreté d’une famille d’une génération à l’autre.

Comme le Turkana continue de se préparer à une éclosion du virus, les fermetures d’écoles devraient durer au moins jusqu’en septembre 2020. L’extension de nos transferts en espèces est un moyen de veiller à ce que ces importants efforts de prévention ne se fassent pas au détriment de l’amélioration de l’accès à l’éducation et de la qualité de celle-ci, en particulier pour les jeunes filles.

Comment l’EUMC utilise les transferts en espèces dans ses programmes d’éducation.

Grâce au financement de UK AID, l’EUMC s’efforce d’accroître l’accès des filles à l’éducation au Kenya depuis 2013 dans les camps de personnes réfugiées de Kakuma et de Dadaab et dans leurs communautés d’accueil. S’appuyant sur ce travail initial et ses succès, nous avons élargi cette année notre programme, grâce à un financement d’Affaires mondiales Canada, à l’établissement de Kalobeyei et à sa communauté d’accueil. Grâce à cette initiative, l’EUMC fournira également un soutien supplémentaire pour aider les filles et les jeunes femmes à réussir leur transition vers le travail (formel ou indépendant) après avoir terminé leurs études.

Nous mettons en œuvre des transferts en espèces conditionnels dans le cadre de notre programme d’éducation des filles depuis 2018. Nous utilisons les transferts en espèces conditionnels en tandem avec d’autres approches complémentaires pour améliorer l’accès des filles à l’éducation et la qualité de celle-ci, comme les cours de rattrapage, une programmation radio, la mobilisation communautaire, le conseil psychosocial et la formation aux compétences de la vie courante.

Notre expérience passée a montré que les transferts en espèces conditionnels peuvent être efficaces dans le cas des personnes réfugiées, bien que les obstacles à l’entrée soient plus importants, notamment la précarité des services financiers, des infrastructures, et les problèmes d’enregistrement légal des comptes bancaires. Compte tenu de ces obstacles, nous avons abandonné la distribution de biens directs au profit de transferts en espèces conditionnels afin de réduire les coûts de transaction et de donner aux familles l’autonomie nécessaire pour choisir de répartir leur argent comme elles l’entendent.

Les bénéficiaires de nos transferts, dont 90 % sont des femmes, reçoivent cet argent à condition qu’elles-mêmes (dans le cas d’étudiant.e.s trop âgé.e.s) ou leurs filles fréquentent régulièrement l’école. Les bénéficiaires ont également droit à des montants complémentaires en cas de forte fréquentation scolaire. Les familles déclarent que les transferts en espèces ont allégé leurs pressions financières et leur ont permis d’envoyer plus facilement leurs filles à l’école malgré les coûts.

Adapter les transferts en espèces au contexte de la COVID-19

Comme les familles du monde entier l’ont découvert au cours des derniers mois, les priorités et les ressources peuvent évoluer rapidement en temps de crise. Dans ces contextes, les transferts en espèces deviennent un outil inestimable pour permettre aux familles de s’adapter rapidement afin de répondre à leurs besoins immédiats. Les données de l’épidémie d’Ebola en Sierra Leone montrent qu’en plus de fournir aux familles une source de revenus, les transferts en espèces ont également permis de protéger les filles contre le risque accru de violence physique et sexuelle pendant la pandémie.

Pour veiller à ce qu’aucune fille ne soit laissée pour compte pendant la crise actuelle, nous nous sommes efforcés d’élargir la portée de nos transferts en espèces dans l’établissement de Kalobeyei, en touchant le plus grand nombre possible de filles et de jeunes femmes dans les tranches d’âge visées, et en augmentant le montant des transferts lorsque cela est possible. Bien que nous menions généralement un processus détaillé, centré sur la communauté, pour sélectionner les bénéficiaires les plus vulnérables sur la base d’un « indice de marginalisation » (qui évalue les facteurs qui affectent la vulnérabilité des filles, tels que le handicap, la pauvreté et les ménages dirigés par des enfants), étant donné les contraintes de la COVID-19, ce processus a été temporairement suspendu, et les parents ont été informés que les transferts en espèces seront distribués plus largement jusqu’à la fin de 2020 pour soutenir le plus grand nombre de familles possible.

Nous travaillons avec nos partenaires pour continuer à identifier les familles à risque, et nous utilisons les communications par SMS et WhatsApp pour nous assurer que les bénéficiaires comprennent l’objectif et le calendrier des transferts en espèces conditionnels. Les transferts sont effectués mensuellement par virement bancaire ou par téléphone portable, et le personnel de l’EUMC partagera les numéros de téléphone de la ligne d’assistance que les familles peuvent appeler pour poser des questions et exprimer leurs préoccupations. Notre plan actuel est de reprendre notre système standard de transfert en espèces conditionnel en 2021, en menant des enquêtes plus détaillées pour nous assurer que nos ressources limitées atteignent les filles et les jeunes femmes qui risquent le plus d’abandonner l’école et qui sont confrontées à de multiples désavantages.

Si les effets de la COVID-19 sur le système scolaire du Kenya se poursuivent jusqu’en 2021, l’EUMC travaillera avec ses partenaires pour adapter ses processus, en s’assurant que nous accordons toujours la priorité à ce qui compte le plus : la sécurité, l’éducation et la santé des filles et des jeunes femmes vulnérables que nous servons dans les communautés de personnes réfugiées et d’accueil.

Grâce à l’élargissement des transferts en espèces conditionnels, nous savons que, malgré les difficultés que présente la COVID-19, les filles seront mieux à même de poursuivre l’apprentissage formel une fois que les écoles rouvriront, et qu’elles pourront toujours bénéficier des autres approches complémentaires que nous proposons. Elles auront ainsi davantage accès à de meilleures occasions de s’instruire et pourront profiter des avantages d’une participation au marché du travail lorsqu’elles seront prêtes.

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Ce qui fonctionne pour l’éducation des filles

Données et leçons tirées de notre programme au Kenya.

Selon une étude sur l’éducation des réfugié-e-s menée récemment par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), moins du quart des adolescent-e-s réfugié-e-s sont actuellement inscrits dans une école secondaire. On pourrait difficilement l’imaginer, mais la situation est encore pire dans les pays à faible revenu, où vit la majorité des réfugié-e-s et où cette proportion est inférieure à un sur dix.

Les filles réfugiées risquent encore plus que les garçons d’être laissées pour compte. Pour dix garçons réfugiés à l’école primaire, il n’y a que huit filles réfugiées. Au niveau secondaire, pour dix garçons réfugiés, il y a moins de sept filles réfugiées.

Le rapport se termine par plusieurs vibrants appels à l’action lancés à la communauté internationale. Deux d’entre eux ont particulièrement retenu notre attention dans le contexte de notre programme au Kenya :

  1. une démarche globale d’appui aux systèmes d’éducation dans les pays accueillant des réfugié-e-s;
  2. un appui sans réserve aux enseignant-e-s, notamment par une rémunération acceptable, un matériel adéquat en quantité suffisante et l’aide de spécialistes.

Au cours des cinq dernières années, ces deux principes ont guidé nos efforts visant à favoriser l’accès des filles à une éducation de qualité dans les camps et autres milieux de réfugié-e-s au Kenya.

Les obstacles à l’éducation des filles réfugiées au Kenya

Au Kenya, dans les camps de réfugié-e-s et les communautés d’accueil voisines, les comportements préjudiciables, les normes sociales et les stéréotypes sexospécifiques se soldent par une dévalorisation de l’éducation des filles. D’ailleurs, beaucoup de parents croient qu’il n’est pas rentable d’envoyer une fille à l’école.

Pourtant, l’éducation des filles présente des avantages incontestables. Une jeune fille éduquée est susceptible d’attendre plus longtemps pour se marier et d’avoir moins d’enfants que si elle n’est pas scolarisée. La situation de sa famille s’en voit améliorée sur les plans de la santé et de l’économie. Sa collectivité et son pays en bénéficient également, car chaque année d’études supplémentaire peut se traduire par une hausse de 10 à 20 % de son futur revenu.

L’intervention holistique de l’EUMC pour l’éducation des filles

Chez les filles qui vivent dans les camps de réfugié-e-s de Dadaab et de Kakuma, les indicateurs éducationnels sont nettement plus faibles que la moyenne nationale. C’est également le cas des filles qui vivent dans les communautés d’accueil voisines, dans les comtés de Garissa et de Turkana. Par exemple, alors que la moyenne nationale de fréquentation des filles à l’école secondaire est de 48 % au Kenya, elle n’est que de 20 % dans les camps.

Dans ces régions, l’EUMC s’attaque aux problèmes éducationnels des filles liés à l’offre et à la demande. Nous cherchons à améliorer l’accessibilité à l’éducation et la qualité de l’éducation offerte aux filles, tout en augmentant la demande globale d’éducation de qualité au sein des communautés.

Pour ce faire, nous agissons dans trois domaines d’intervention principaux :

Résultats des cinq premières années

Une évaluation externe menée cette année, au terme de la première étape de cette initiative, démontre des tendances prometteuses. En adoptant une démarche globale dans notre travail, nous avons amélioré l’accès à une éducation de qualité pour plus de 16 000 files. Nous avons aussi appuyé indirectement 30 000 garçons pour qu’ils obtiennent l’éducation qu’ils méritent.

En moyenne, nous avons observé une augmentation de 65 % des notes moyennes en littératie depuis le début de cette initiative. Les élèves qui étaient en sixième année au début de ces travaux ont bénéficié de la plus longue durée de soutien; ce sont également eux qui ont réalisé l’amélioration la plus constante.

Selon les résultats d’enquêtes sur les ménages, le taux de fréquentation des filles a augmenté, passant de 75,9 % à 91 %. Il importe toutefois de reconnaître que les chiffres de fréquentation dans les pays à faible revenu sont difficiles à obtenir. C’est particulièrement le cas chez les réfugié-e-s, où les écoles sont confrontées à d’ahurissantes pénuries de ressources et où les familles déménagent fréquemment, même au sein des camps.

Ces résultats sont certes encourageants, mais il reste encore beaucoup à faire. Dans le contexte des réfugié-e-s, où le financement des services publics provient de sources disparates, la durabilité est une notion particulièrement difficile à appliquer pour les collectivités et les gouvernements en quête de solutions durables au remplacement. En conséquence, les prévisions sur les ressources disponibles d’une année sur l’autre sont rien de moins qu’aléatoires.

Au cours des prochaines années, nous resserrerons notre collaboration avec les partenaires locaux afin de promouvoir la prise en main locale, notamment par l’entremise des centres de conseils aux enseignant-e-s du gouvernement du Kenya. Nous continuerons également à amplifier notre message sur l’importance de l’éducation des filles grâce à nos initiatives d’engagement communautaire. Dans la perspective de cette prochaine étape de ce travail, la durabilité demeure un important principe directeur de nos efforts.

Financé par l’entremise du programme Girl’s Education Challenge de UK Aid, ce travail a été mis en place par l’EUMC en partenariat avec Windle International Kenya. La première étape de cette initiative a débuté en 2013 et s’est terminée en mars 2017. La deuxième étape aura lieu d’avril 2017 à mars 2022.

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Le Programme d’éducation de rattrapage : Une innovation pour améliorer les résultats scolaires des filles dans les contextes de réfugié-e-s

Les filles réfugiées sont confrontées à des obstacles décourageants qui leur compliquent l’accès à une éducation de qualité. Outre les réalités qui sont celles de nombreuses jeunes femmes, comme les mariages précoces et forcés, les grossesses précoces, la charge inéquitable des tâches domestiques et les contraintes financières de la famille, les filles réfugiées font face à d’autres défis particuliers.

En raison de leur mobilité réduite et des faibles possibilités d’emploi, les filles réfugiées ne sont pas vraiment incitées à aller à l’école. Faisant face à une double discrimination en raison de leur genre et de leur statut de réfugiées, même celles qui arrivent à se rendre jusqu’à l’école courent le risque de ne pas obtenir de bons résultats et de décrocher. De plus, les installations scolaires mises à la disposition des jeunes réfugié-e-s sont conçues comme des solutions temporaires et ne répondent pas aux besoins d’éducation à long terme, en particulier en raison du manque de personnel enseignant qualifié.

Depuis 2011, l’EUMC met en œuvre des programmes d’éducation de rattrapage dans les camps de réfugiés de Kakuma et de Dadaab et dans les communautés d’accueil du nord du Kenya, en partenariat avec Windle International Kenya. Cette approche s’est révélée efficace pour combler les lacunes systémiques importantes, améliorer les résultats scolaires des filles et influencer de manière positive les attitudes des parents et de la communauté à l’égard de l’éducation des filles. Grâce à son orientation novatrice axée uniquement sur les filles, le programme a eu l’avantage de créer un environnement d’apprentissage positif et de permettre aux filles de gagner confiance en elles.

Les données montrent que les filles apprécient le programme de rattrapage scolaire parce qu’il leur permet de passer plus de temps à étudier à l’extérieur des heures de classes habituelles. Souvent responsables de tâches domestiques et familiales, les filles ne peuvent pas toujours étudier à la maison. L’augmentation de la fréquentation et de la demande de cours de rattrapage dans les camps de réfugié-e-s de Kakuma et de Dadaab a montré que les parents et les tuteurs sont de plus en plus disposés à permettre aux filles d’assister à des cours supplémentaires durant les fins de semaines.

Le Programme d’éducation de rattrapage : Une innovation pour améliorer les résultats scolaires des filles dans les contextes de réfugié-e-s donne une présentation détaillée du programme novateur de rattrapage scolaire. L’étude de cas apporte de l’information sur le contexte de mise en œuvre et le modèle de programme de rattrapage. Elle explore aussi les défis relevés et les leçons apprises à ce jour. L’étude présente enfin le témoignage personnel d’une élève qui explique comment elle a bénéficié du programme.

Cette étude de cas est le fruit d’une collaboration entre l’EUMC et Promising Practices in Refugee Education. Promising Practices in Refugee Education est une initiative conjointe de Save the Children, du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiées et de Pearson. Lancée en mars 2017, l’initiative visait à identifier, documenter et promouvoir les moyens novateurs d’atteindre efficacement les enfants et les jeunes réfugié-e-s en leur offrant des possibilités d’éducation de qualité. Cette étude de cas fait partie de la vingtaine de pratiques prometteuses sélectionnées dans le cadre de l’initiative.

Cliquez ici pour lire l’étude de cas (en anglais seulement)

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